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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Peut-être l’Église avait quelques titres à faire valoir durant les âges barbares où elle représentait la civilisation. Mais que représente-t-elle aujourd’hui ? Son seul rôle est de consacrer les abus et les injustices. Hostile à tout progrès, à toute réforme, elle combat tout ce que tente la philosophie pour rendre l’humanité meilleure et plus heureuse.

Tandis que les philosophes contemporains détestent la guerre et ses maux[1], les prêtres célèbrent à l’envi ce qu’elle a de plus affreux. Ces harangueurs à gages enseignent des mystères incompréhensibles, prouvent en trois points que Polyeucte et Athalie sont œuvres du démon, qu’une dame coupable d’appliquer un peu de carmin sur sa joue s’attire l’éternelle vengeance de l’Être suprême : pourquoi leurs déclamations épargnent-elles « le fléau et le crime qui contient tous les fléaux et tous les crimes » ? « Vous avez fait un bien mauvais sermon sur l’impureté, ô Bourdaloue ! mais aucun sur ces meurtres variés en tant de façons, sur ces rapines, sur ces brigandages, sur cette rage universelle » (Dict. phil., Guerre, XXX, 152 ; cf. A, B, C, XLV, 95). Après chaque massacre, nos prêtres, loin de fulminer leurs anathèmes, chantent un Te Deum[2].

Si l’Église glorifie la guerre, elle justifie l’esclavage. Voltaire remarque d’abord que les Évangiles ne mettent pas dans la bouche de Jésus-Christ un seul mot contre « cet état d’opprobre et de peine auquel la moitié du genre humain était condamnée », que ni les apôtres ni les Pères n’ont jamais flétri une iniquité si monstrueuse ; et il rappelle avec Linguet, l’auteur de

  1. Cf. p. 215 sqq.
  2. Dict. phil., Guerre, XXX, 151 sqq. ; A, B, C, XLV, 95 sqq.