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RELIGION

brun, « le fléau des honnêtes gens, simoniaque, incestueux, déshonoré et honni partout » (d’Argenson). Si les évêques de France en 1733 nommèrent le cardinal Dubois président de leur assemblée générale, rien là d’étonnant ; beaucoup d’entre eux ne valaient pas davantage.

On s’indigne que Voltaire taxe les prêtres de charlatans. Mais le clergé du xviiie siècle était en grande partie incrédule. « Je ne pense pas, écrit la Palatine en 1722, qu’il y ait à Paris, tant parmi les ecclésiastiques que parmi les gens du monde, cent personnes qui aient la véritable foi, et même qui croient en Notre Seigneur. » « Un simple prêtre, un curé, remarque plus tard Chamfort, doit croire un peu ; sinon, on le trouverait hypocrite. Il ne doit pas non plus être sûr de son fait ; sinon, on le trouverait intolérant. Au contraire le grand vicaire peut sourire à un propos contre la religion ; l’évêque en rira tout à fait, le cardinal y joindra son mot[1]. » Rivarol, de son côté, déclare que « les lumières du clergé égalent celles des philosophes ». Qu’est-ce à dire, sinon que le clergé est incrédule ? Sa résistance en 1791, au moins celle des prélats, s’explique par le point d’honneur. « Nous nous sommes conduits alors, déclarait l’archevêque de Narbonne, en vrais gentilshommes ; car de la plupart d’entre nous on ne peut pas dire que ce fût par religion. » Les ecclésiastiques qui ont quelque culture n’ont plus aucune croyance.

  1. L’abbé Bassinet, grand vicaire de Cahors, avait, quant à lui, la franchise de son incrédulité ; prononçant dans la chapelle du Louvre le panégyrique de saint Louis, il supprima le signe de la croix, le texte, les citations de l’Évangile, et ne loua ce modèle des princes chrétiens que pour ses vertus humaines.