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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Cette incrédulité du clergé ne le rend pas moins fanatique. Et certes la foi des anciens temps ne justifiait point le fanatisme ; mais l’incrédulité présente le rend plus criminel encore et plus odieux.

Selon Voltaire, l’intolérance est propre à la religion chrétienne ; seule entre toutes les religions, elle a opprimé la conscience et persécuté ceux qui n’admettaient pas ses dogmes.

Quand les mahométans conquirent l’Espagne, ils n’obligèrent personne à embrasser l’islamisme. Après la prise de Constantinople, leurs sultans conservèrent plusieurs prébendes au clergé grec ; aujourd’hui encore ils font des chanoines et des évêques sans que le pape fasse jamais un iman ou un mollah[1].

Même tolérance chez les Juifs. Il y avait parmi eux bien des sectes ; les saducéens par exemple, qui, se fondant sur la loi de Moïse, niaient l’immortalité de l’âme ; les pharisiens, qui croyaient à la métempsycose ; les esséniens, qui étaient fatalistes, qui, d’ailleurs, ne sacrifiaient pas dans le temple et avaient leurs synagogues particulières. Ces sectes différaient beaucoup plus entre elles que les protestants ne diffèrent des catholiques. Pourtant aucune ne prétendit exterminer les autres, et, si superstitieux que fût le peuple Juif, il accordait à toutes une égale liberté[2].

Chez les Romains, ni Lucrèce ne fut inquiété pour avoir mis en vers le système d’Épicure, ni Cicéron pour avoir écrit, qu’on ne ressent après la

  1. Sermon du rabbin Akkib, XL, 374 ; Dict. phil., Tolérance, XXXII, 379, 380.
  2. Dict. phil., Âme, XXVI, 245 ; Traité sur la Tolérance, XLI, 314 sqq.