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RELIGION

mort aucune douleur, ni Pline pour avoir commencé son Histoire naturelle par une profession d’athéisme. Il appartient aux dieux, pensait le sénat, de venger leurs offenses. Quant aux différentes religions, Rome ne les tolérait pas seulement, mais encore les reconnaissait. Pendant longtemps les chrétiens furent aussi libres que les païens ; ils avaient des églises très riches, tenaient des conciles, exerçaient des charges publiques. Dioclétien lui-même les protégea d’abord et en accueillit plusieurs à la cour. S’ils furent persécutés dans la suite, c’est parce qu’ils attaquaient le culte national et les institutions de l’Empire. Rome ne persécuta pas, dans le christianisme, une secte religieuse, mais une faction politique qui mettait l’État en danger[1].

À l’égard des Grecs, quand Voltaire ne les compare pas avec les chrétiens, il reconnaît que, chez eux, les philosophes hétérodoxes n’étaient pas tolérés ; il cite Anaxagore, contraint de s’exiler pour avoir osé dire qu’Apollon ne conduisait point le char du soleil, Aristote, accusé d’athéisme par les prêtres ; il flétrit la condamnation de Socrate[2]. Mais lorsqu’il oppose les Grecs aux chrétiens, il ne parle plus d’Aristote et d’Anaxagore, il atteste que les épicuriens pouvaient sans aucun péril nier la Providence et l’immatérialité de l’âme, que les diverses sectes philosophiques avaient pleine licence de professer leurs doctrines. Quant à Socrate, c’est, dit-il, le « seul philosophe que les Grecs aient fait mourir pour ses opinions ». Aussi

  1. Dict. phil., Tolérance, XXXII, 368, Constantin, XXVIII, 187, 188, Dioclétien, id., 403, 404, Église, XXIX, 24 ; Traité sur la Tolérance, XLI, 261 sqq. ; Lettre à Hénault, 26 févr. 1768.
  2. Dict. phil., Athéisme, XXVII, 178.