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VOLTAIRE PHILOSOPHE

que l’assassinat du roi était une œuvre méritoire et que tous les prêtres en jugeaient ainsi. De même, Jacques Clément et Balthazar Gérard se préparèrent par la confession et la communion à tuer, celui-là Henri III, celui-ci le prince d’Orange. Et combien d’autres, prêtres ou laïques, ont versé le sang en sacrifiant leur humanité naturelle à ce qu’ils croyaient être leur devoir envers la Divinité[1] !

Beaucoup de croyants réprouvent ces crimes et prétendent que le catholicisme est un bon arbre qui a produit de mauvais fruits. Non pas ; si les fruits sont mauvais, l’arbre ne saurait être bon. C’est le catholicisme qui rend l’homme cruel. Un catholique croit posséder la vérité ; il s’imagine que cette vérité brille seulement pour lui, que tout le reste des hommes doit rôtir éternellement dans l’enfer : par quelle inconséquence n’aurait-il pas en horreur ceux qui sont en horreur à son Dieu ? On voit pourtant des catholiques pitoyables ; chez eux, la nature l’emporte sur la religion. Mais eux-mêmes, le plus souvent, se reprochent leur pitié comme une faiblesse[2].

Un contemporain d’Henri IV ou de Louis XIII pouvait encore expliquer les guerres de la Réforme par la politique, par des intérêts tout matériels, qui se dissimulaient sous la religion. Mais depuis longtemps, à l’époque de Voltaire, les querelles religieuses persistaient quand la politique n’y avait aucune place. Et, si ce n’étaient pas, comme autrefois, les massacres de la guerre civile ou les assassinats en masse, ces

  1. Avis au public sur les Parricides, etc., XLII, 396 ; Remarques de l’Essai sur les Mœurs, XLI, 169 ; Dict. phil., Anecdotes, XXVI, 310.
  2. Homélie sur la Communion, XLV, 303.