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RELIGION

querelles n’en dénotaient pas moins un fanatisme tout aussi exécrable. On les voyait du reste se multiplier ; le catholicisme et le protestantisme avaient chacun produit des sectes acharnées l’une contre l’autre, qui témoignaient de leur foi par des persécutions mutuelles. Comment nier que la religion ne fût elle-même une source de conflits et de violences[1] ?

Callicrate ayant demandé à Évhémère quel est le plus méchant des peuples, celui-ci répond : « Le plus superstitieux » (Dialogues d’Évhémère, L, 150). Un superstitieux en effet est méchant par devoir : aussi n’écoute-t-il pas la voix de la nature ; il vole, il incendie, il massacre en croyant bien faire, et l’humanité n’a sur son cœur aucune prise. Mais comment cette humanité ne serait-elle pas innée à l’homme ? Si l’homme a pourtant de mauvais instincts, c’est le fanatisme qui les provoque et les irrite.

On allègue que le fanatisme, au xviiie siècle, n’était plus redoutable. Voltaire lui-même, durant la première partie de sa carrière, en exprime souvent l’espoir. La philosophie a-t-elle donc fait tant de progrès ? Il reconnaît bientôt son illusion, et se rend compte que l’esprit du catholicisme ne change point. Après l’attentat de Damiens, il écrit à d’Argental : « Comment me justifierai-je d’avoir tant assuré que ces horreurs n’arriveraient plus,… que la raison et la douceur des mœurs régnaient en France ? » (20 janv. 1757). Et déjà, en 1740, adressant à Frédéric une copie de son Mahomet, il s’élève contre « ceux qui disent que les flammes des guerres de religion sont éteintes ».

  1. Cf. É. Faguet, l’Anticléricalisme, p. 85 sqq.