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RELIGION

accordez à chaque charbonnier le droit d’examen » (26 déc. 1763). C’est du protestantisme que date l’affranchissement des esprits et des consciences ; Voltaire, qui ne l’ignore pas, considère les réformateurs comme les lointains devanciers de la « philosophie ».

Pourtant le protestantisme, quels que soient ses principes, a opprimé et persécuté les autres religions partout où il dominait. Dans les pays qui l’adoptèrent, il ne renversa l’autorité de l’Église catholique que pour la remplacer par celle d’une autre Église. Aux décisions des conciles il substitua les décisions des synodes : or, le synode de Dordrecht vaut-il beaucoup mieux que le concile de Trente[1] ? Tous les réformateurs, depuis Wiclef jusqu’à Luther, furent intolérants. Quant au bourreau de Servet, Voltaire flétrit en maints endroits son fanatisme et son despotisme. Dans l’article Dogmes du Dictionnaire philosophique[2], Calvin, devant les juges des morts, se vante d’avoir renversé l’idole papale, d’avoir écrit contre la sculpture, montré que les bonnes œuvres ne servent à rien, interdit la danse comme diabolique. « Placez-moi, conclut-il, à côté de saint Paul. » Mais, « comme il parlait, on vit auprès de lui un bûcher enflammé ; un spectre épouvantable, portant au cou une fraise espagnole à moitié brûlée, sortait du milieu des flammes avec des cris affreux. Monstre, s’écriait-il, monstre exécrable, tremble ! Reconnais ce Servet que tu as fait périr par le plus cruel des supplices » (XXVIII, 441). Alors, tous les juges ordonnent que Calvin soit précipité dans la géhenne.

Après tout l’intolérance protestante égala l’intolé-

  1. Lettre à M. Bertrand, 26 déc. 1763.
  2. Cf. p. 113, n.1.