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VOLTAIRE PHILOSOPHE

rance catholique. Les meurtriers de Servet et de Barneveldt ne peuvent rien reprocher à ceux du conseiller Dubourg, et la Saint-Barthélemy n’est pas plus détestable que les sombres fureurs du presbytérianisme anglais ou la rage des camisards cévenols[1]. Écrivant à un religionnaire de Hollande, Voltaire lui représente que les huguenots ne sauraient incriminer dans autrui un fanatisme dont eux-mêmes sont infectés. « Il n’est pas moins nécessaire de prêcher la tolérance chez vous que parmi nous… Si un des vôtres croit devoir préférer pour le salut de son âme la messe au prêche, il cesse aussitôt d’être citoyen, il perd tout, jusqu’à sa patrie. Vous ne souffririez pas qu’aucun prêtre dit sa messe à voix basse, dans une chambre close, dans aucune de vos villes. N’avez-vous pas chassé des ministres qui ne croyaient pas pouvoir signer je ne sais quel formulaire de doctrine ?… N’a-t-on pas déposé un pasteur parce qu’il ne voulait pas que ses ouailles fussent damnées éternellement ? Vous n’êtes pas plus sages que nous » (Lettre à M. ***, 3 janv. 1759). Dans le second des Dialogues chrétiens, un ministre protestant s’unit à un prêtre catholique pour persécuter les philosophes : la seule différence entre eux est que le ministre veut s’y prendre, avec une douceur perfide[2]. Et rappelons enfin les vers bien connus de la Henriade :

Je ne décide point entre Genève et Rome.
De quelque nom divin que leur parti les nomme,
J’ai vu des deux côtés la fourbe et la fureur…
L’un et l’autre parti, cruel également,
Ainsi que dans le crime est dans l’aveuglement

(X, 75.)
  1. Avis au public sur les Calas et les Sirven, XLII, 410.
  2. XL, 161 sqq.