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VOLTAIRE PHILOSOPHE

avec le corps. Et, dans le dialogue entre Adélos et Sophronime, il dit par la bouche d’Adélos : « J’ai craint longtemps… ces conséquences dangereuses [les conséquences du matérialisme] ; c’est ce qui m’a empêché d’enseigner mes principes ouvertement » (XLII, 309). On peut donc penser qu’il ne croit point à l’immortalité de l’âme, et qu’il ne l’a soutenue qu’en vertu de considérations sociales.

De même quant au libre arbitre. Voltaire l’admet pour justifier les peines et les récompenses : au fond, il n’y croit pas. En octobre 1737, il envoie à Frédéric une sorte de dissertation[1] où il veut prouver que l’homme est libre. Mais, dans la lettre qui accompagne cette dissertation, il fait un aveu à retenir : « Peut-être l’humanité, qui est le principe de toutes mes pensées, m’a séduit…, peut-être l’idée où je suis qu’il n’y aurait ni vice ni vertu, qu’il ne faudrait ni peine ni récompense… si l’homme n’avait pas une liberté pleine et absolue, peut-être dis-je, cette opinion m’a entraîné trop loin. Mais, si vous trouvez des erreurs dans mes pensées, pardonnez-les au principe qui les a produites[2]. » Un an plus tard, il écrit à Helvétius sur la même question : « Je vous avouerai… qu’après avoir erré bien longtemps dans ce labyrinthe, après avoir cassé mille fois mon fil, j’en suis revenu à dire que le bien de la société exige que l’homme se croie libre », et il fait valoir en faveur de la liberté ce que lui-même appelle « des arguments de bonne femme » (11 sept. 1738). Dans la suite, nous l’avons vu, il la

  1. Elle a beaucoup de rapport avec le chapitre vu du Traité de Métaphysique, et en contient même de nombreux extraits ; mais elle est plus étendue.
  2. LII, 520.