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MORALE

Si Voltaire ramène la métaphysique à la morale, c’est à la morale qu’il réduit sa religion. Elle ne consiste en somme que dans le culte de Dieu par la pratique des vertus humaines.

La religion naturelle, écrit-il, ce sont « les principes de morale communs au genre humain » (Élém. de la Philos. de Newton, XXXVIII, 38). Il dit de même par la bouche de Socrate : « Gardez-vous de tourner jamais la religion en métaphysique ; la morale est son essence » (Socrate, VI, 523). Et pourquoi ne pas rappeler qu’il composa deux Homélies en vue d’expliquer comme des symboles moraux soit les légendes bibliques, soit les sacrements[1] ?

La désunion et les querelles, voilà ce que produit de tout temps la théologie ; elle divise les hommes en sectes qui s’anathématisent ou s’égorgent. Il en fut ainsi dès l’origine du christianisme ; et, aujourd’hui encore, ne voit-on pas les jansénistes et les jésuites rivaliser les uns contre les autres de violences ou de perfidies ? Voltaire compare ces sectes hostiles de la chrétienté avec une famille dont les membres, ne s’accordant pas sur la façon de saluer leur père commun, seraient toujours près d’en venir aux mains.

  1. Par exemple, dans l’Homélie sur l’interprétation de l’Ancien Testament, la femme formée de la côte de l’homme figure l’union conjugale, le serpent qui séduisit Ève représente nos désirs pervers, l’arbre de la science nous montre combien dangereux est tout faux savoir. Que d’autres recherchent avec dom Calmet la place du paradis terrestre ; un modeste prêtre se contentera d’engager ceux qui l’écoutent à mériter le paradis céleste par leurs vertus (XLIII, 265 sqq.). De même, Voltaire dit dans l’Homélie sur la Communion, que la communion véritable, dont le sacrement catholique est l’emblème, consiste à aimer ses frères ; et il supplie les auditeurs de se rappeler cette cérémonie pour ne pas souffrir que la religion, mal interprétée, leur inspire des sentiments de haine (XLV, 298 sqq.).