varient de peuple à peuple, de siècle en siècle. Voltaire lui-même le fait souvent remarquer. Ce qui est crime en Europe, écrit-il à Frédéric, sera vertu en Asie, « de même que certains ragoûts allemands ne plairont point aux gourmands de France » (oct. 1737; LII, 522). Pareillement, dans le poème de la Loi naturelle :
Les lois que nous faisons, fragiles, inconstantes,
Ouvrages d’un moment, sont partout différentes.
Jacob chez les Hébreux put épouser deux sœurs ;
David, sans offenser la décence et les mœurs,
Flatta de cent beautés la tendresse importune ;
Le pape au Vatican n’en peut posséder une…
Usages, intérêts, culte, lois, tout diffère[1].
Bien plus, le vol, le meurtre, et jusqu’au parricide, sont, dans certains pays, regardés comme légitimes. À Lacédémone, on félicitait les voleurs adroits. Il y a en Afrique certaines peuplades chez lesquelles, d’après les récits des voyageurs, le fils mange son père ; et beaucoup de tribus sauvages tuent leurs prisonniers de guerre pour s’en nourrir.
Cependant la morale, au fond, ne varie point. Que l’on pût chez les anciens juifs, que l’on puisse encore chez telle et telle nation épouser deux sœurs ou avoir dix, vingt femmes, ce sont là des conventions, des coutumes arbitraires qui n’ont pas de rapport avec l’essence même de la morale. Et pourquoi Lacédémone honorait-elle le vol ? Il faut se rappeler que les biens y étaient communs ; par suite, quand des avares réservaient à leur usage ce que la loi distribuait entre tous, on servait le public en les dérobant.
- ↑ Cf. Dict. phil., Loi naturelle, XXXI, 52.