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MORALE

qu’on vous propose est juste ou injuste, abstenez-vous. » Ce seul principe résume toutes les lois et peut y suppléer. Plus Zoroastre établit de superstitions bizarres en fait de culte, plus la pureté de ses préceptes montre que la notion du bien et du mal demeure incorruptible[1].

Au xviiie siècle, les Japonais étaient considérés comme « nos antipodes en morale ». Mais, dit Voltaire, « il n’y a point de pareils antipodes parmi les peuples qui cultivent leur raison ». La seule différence entre la morale des Japonais et celle des Européens, c’est qu’ils défendent de tuer jusqu’aux animaux. Leurs principales règles, qu’ils appellent divines, défendent le mensonge, l’incontinence, le larcin, le meurtre. S’ils ont leurs fables, les nôtres valent-elles mieux ? En tout cas leur morale n’est autre chose que « la loi naturelle réduite en préceptes positifs » (Essai sur les Mœurs, XVII, 366).

Veut-on s’enquérir des peuples les plus superstitieux qu’ait connus l’antiquité ? Les habitants de la Mésopotamie se vantaient d’avoir eu pour législateur le poisson Oannès, brochet de trois pieds de long, à la queue dorée, qui, deux fois par jour, sortait de l’Euphrate pour leur adresser des exhortations. Or les enseignements d’Oannès ne diffèrent en rien de ceux que nous donnent aujourd’hui les plus sévères moralistes[2].

Ainsi la notion de la justice, gravée au cœur de tous les hommes, les unit tous, quelque diversité qu’il y ait entre leurs mœurs et leurs usages respec-

  1. Dict. phil., Juste, XXX, 506; le Philosophe ignorant, XLII, 597. — Cf. les Guèbres, IX, 41.
  2. Cf., Zadig, XXXIII, 98 sqq.