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VOLTAIRE PHILOSOPHE

tifs, dans une morale universelle dont les principes ne varient point. Certes il est souvent malaisé de reconnaître le juste de l’injuste, comme de distinguer le vrai du faux, la santé de la maladie. En toute chose, les nuances se mêlent et se confondent. Mais, en toute chose aussi, les couleurs tranchantes frappent l’œil[1]. Qui doute qu’un bienfait ne soit louable et un outrage répréhensible ? Qui voudrait préférer la violence à la douceur, l’hypocrisie à la franchise[2] ?

Nous ne savons pas ce qui se passe dans Sirius ou dans la voie lactée. Pourtant si, dans Sirius, « un animal sentant et pensant est né d’un père et d’une mère tendres qui aient été occupés de son bonheur », il leur doit, nous pouvons l’affirmer, « autant d’amour et de soin que nous en devons à nos parents » ; et si, dans la voie lactée, quelqu’un rebute les pauvres, calomnie le prochain, manque à sa parole, nous sommes bien sûrs qu’il agit mal et que ses congénères en jugent comme nous[3].

Même ici, Voltaire se garde de toute métaphysique. Ne lui attribuons pas je ne sais quel idéalisme transcendantale. L’absolu dont il fait profession ne se rapporte qu’à la race humaine ou à telle autre race analogue. Plus d’une fois il a catégoriquement nié l’existence du bien et du mal par rapport à Dieu et leur existence virtuelle. Les crimes, dit-il, intéres-

  1. Le Philosophe ignorant, XLII, 587.
  2. « Jaunes habitants de la Sonde, noirs Africains, imberbes Canadiens, et vous, Platon, Cicéron, Épictète, vous sentez tous également qu’il est mieux de donner le superflu de votre pain, de votre riz ou de votre manioc au pauvre qui vous le demande humblement, que de le tuer ou de lui crever les deux yeux » (Dict. phil., Juste, XXX, 504).
  3. Dict. phil., Religion, XXXII, 96.