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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Moi, complaire à ce peuple, aux monstres de Scythie !
À ces brutes humains pétris de barbarie,
À ces âmes de fer, et dont la dureté
Passa longtemps chez nous pour noble fermeté,
Dont on chérit de loin l’égalité paisible

Et chez qui je ne vois qu’un orgueil inflexible,
Une atrocité morne !
J’ai fui pour ces ingrats la cour la plus auguste,

Un peuple doux, poli, quelquefois trop injuste,
Mais généreux, sensible, etc.


Et un peu plus loin :

 
« Telles sont leurs âmes inhumaines ;
Tel est l’homme sauvage à lui-même laissé, etc.
(VIII, 264, 266.)

Quelques vices que produise la civilisation, les hommes n’ont point perverti l’ordre de la nature en formant des sociétés ; pour soutenir un tel paradoxe, il faut être atteint de folie. C’est le soi-disant état de nature qui avilirait et dégraderait le genre humain. Jean-Jacques et les déclamateurs à sa suite peuvent s’en aller chez les sauvages : ils seront bientôt comme eux, ils perdront tout ce qui fait la supériorité de l’homme sur la brute, ils ne penseront plus et c’est à peine s’ils conserveront l’usage de la parole[1].

    avons depuis appelés Tartares ; ce sont ceux-là mêmes qui, longtemps avant Alexandre, avaient ravagé plusieurs fois l’Asie… Voilà ces hommes désintéressés et justes », etc. (XV, 64 sqq.).

  1. Dict. phil., Homme, XXX, 241. — Cf. ibid., 248 : « Que serait l’homme dans l’état qu’on nomme de pure nature ? Un animal fort au-dessous des premiers Iroquois qu’on trouve dans le Nord de l’Amérique. Il serait très inférieur à ces Iroquois, puisque ceux-ci savent allumer du feu et se faire des flèches… L’homme abandonné à la pure nature n’aurait pour tout langage que quelques sons mal articulés. L’espèce serait réduite à un très petit nombre par la difficulté de la nourriture et per le défaut des secours, du moins dans nos tristes climats… L’espèce