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Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/221

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VOLTAIRE PHILOSOPHE

consiste dans les appétits sensuels. Mais ne lui tenons pas rigueur de quelques boutades ; il ne veut, à vrai dire, que protester contre des mortifications absurdes et honnir ceux auxquels leur orgueil et leur inhumanité font anathématiser toutes les jouissances d’autrui.

J’admire et ne plains point un cœur maître de soi
Qui, tenant ses désirs enchaînés sous sa loi,
S’arrache au genre humain pour qui Dieu nous fit naître…
Mais que, fier de ses croix, vain de ses abstinences,
Et surtout en secret lassé de ses souffrances,
Il condamne dans nous tout ce qu’il a quitté,
L’hymen, le nom de père et la société :
On voit de cet orgueil la vanité profonde ;
C’est moins l’ami de Dieu que l’ennemi du monde.

(XII, 83.)

Au reste, il recommande partout et toujours la modération. Et, dans ce même Discours, après avoir défendu contre les ascètes l’usage des plaisirs :

L’usage en est heureux, si l’abus est funeste,


il dit aux intempérants :

Usez, n’abusez pas, le sage ainsi l’ordonne.

(XII, 83, 84.)

[1]

  1. Cf. le quatrième Discours sur l’Homme, intitulé la Modération :

    Ô vous qui ramenez dans les murs de Paris
    Tous les excès honteux des mœurs de Sybaris,
    Qui, plongés dans le luxe, énervés de mollesse,
    Nourrissez dans votre âme une éternelle ivresse,
    Apprenez, insensés, qui cherchez le plaisir,
    Et l’art de le connaître et celui de jouir.
    Les plaisirs sont des fleurs que notre divin maître
    Dans les ronces du monde autour de nous fait naître ;
    Chacune a sa saison, et, par des soins prudents,
    On peut en conserver pour l’hiver de nos ans.
    Mais, s’il faut les cueillir, c’est d’une main légère…
    Quittons les voluptés pour savoir les reprendre.

    (XII, 74.)