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Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/222

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MORALE

Voltaire combat non seulement l’ascétisme catholique, mais aussi le rigorisme de certains philosophes. Montesquieu lui-même ne se bornait pas à louer l’austérité des mœurs antiques ; considérant la vertu comme le principe des démocraties, il voulait que l’amour de la rage rentrât dans cette vertu républicaine. Et quant à Jean-Jacques, on l’avait vu, dès son premier Discours, mettre en œuvre toutes les ressources de la rhétorique pour déclamer contre la richesse, contre les aises et l’élégance de la vie, contre la splendeur funeste » des arts.

Il était bon de réfuter ces éloquents sophismes. C’est ce que fit Voltaire avec son bon sens accoutumé. Qu’appelle-t-on le luxe ? Au temps où nos pères ne connaissaient pas encore l’usage de la chemise, celui qui en porta une le premier fut sans doute accusé par les Jean-Jacques contemporains de corrompre les mœurs. Si l’on appelle luxe la dépense que fait un homme riche, pourquoi blâmer cet homme de proportionner sa dépense à sa fortune ? La Bruyère vante nos ancêtres d’avoir gardé leur argent dans leur coffres. Faut-il donc proscrire l’industrie, les arts, le goût, et même la propreté[1] ?


Et le poème sur l’Usage de la Vie :

Je ne veux que vous apprendre
L’art peu connu d’être heureux.
Cet art qui doit tout comprendre,
Est de modérer ses vœux.

(XIV, 141.)
  1. « Dans un pays où tout le monde allait pieds nus, le premier qui se fit faire une paire de souliers avait-il du luxe ? N’était-ce pas un homme très sensé et très industrieux ? N’en est-il pas de même de celui qui eut la première chemise ? Pour celui qui la fit blanchir et repasser, je le crois un génie plein de ressources et capable de gouverner un État. Cependant ceux