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VOLTAIRE PHILOSOPHE

dit-il, que des philosophes eussent écrit l’histoire ancienne, parce que vous voulez la lire en philosophe » (XV, 3). Au lieu de raconter une fois de plus les pillages et les massacres dont les historiens remplissaient jusqu’alors leurs livres, il a pour objet principal les arts, l’industrie, le commerce, la vie matérielle, intellectuelle et morale des nations.

Dans le Siècle de Louis XIV tel qu’il l’avait d’abord conçu, il devait s’attacher, non pas à la guerre et à la politique, par lesquelles « ce siècle n’a aucun avantage », mais aux progrès de l’esprit (Lettre à d’Olivet, 24 août 1735). « Ce n’est point simplement la vie de ce prince que j’écris, dit-il, ce ne sont point les annales de son règne, c’est plutôt l’histoire de l’esprit humain puisée dans le siècle le plus glorieux à l’esprit humain » (Lettre à l’abbé Dubos, 30 oct. 1738). « On n’a fait que l’histoire des rois, mais on n’a point fait celle de la nation. Il semble que, pendant quatorze cents ans, il n’y ait eu dans les Gaules que des rois, des ministres et des généraux. Mais nos mœurs, nos lois, nos coutumes, notre esprit, ne sont-ils donc rien ? » (Lettre à d’Argenson, 26 janv. 1740)[1]. Pour

  1. Cf. lettre à M. de Burigny, 29 oct. 1738 : « Il y a quelques années, Monsieur, que j’ai commencé une espèce d’histoire philosophique du siècle de Louis XIV… Les progrès des arts et de l’esprit humain tiendront dans cet ouvrage la place la plus honorable. Tout ce qui regarde la religion y sera traité sans controverse, et ce que le droit public a de plus intéressant pour la société s’y trouvera. Une loi utile y sera préférée à des villes prises et rendues, à des batailles qui n’ont décidé de rien. On verra dans tout l’ouvrage le caractère d’un homme qui fait plus de cas d’un ministre qui fait croître deux épis de blé là où la terre n’en portait qu’un, que d’un roi qui achète ou saccage une province. » — Cf. encore la lettre à milord Hervey, avr. 1740; LIV, 65.