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MORALE

reconnaît plus loin que, vers le milieu du xviiie siècle, « les défaites de la royauté de Versailles allaient bientôt cesser d’être celles de la patrie ». Bientôt, ajoute-t-il, « la guerre de Sept ans nous donnera le spectacle — peut-être unique dans l’histoire — d’un peuple… faisant en quelque manière cause commune avec les ennemis de sa puissance et de sa gloire[1] ». Voilà ce que dit Brunetière ; et son témoignage a d’autant plus de valeur, qu’on ne reprochera certes pas quelque complaisance pour Voltaire à cet ennemi des « philosophes » et du xviiie siècle.

Les raisons qui excusent la première lettre doivent tout aussi bien excuser la seconde[2]. S’il faut encore citer les critiques les moins prévenus en faveur de Voltaire, M. Faguet, d’une part, fait valoir cette circonstance atténuante, qu’elle est de deux ans postérieure à la bataille ; aussi bien il n’y voit qu’une plaisanterie sans conséquence, « qui n’a absolument rien de criminel, ni même d’odieux[3] ». Et Brunetière

  1. Études critiques, 1, 217, 218.
  2. Un officier de l’armée française qui venait d’être blessé, raconte Frédéric dans sa lettre à Voltaire du 28 avril 1759, demandait un lavement à cor et à cri sur le champ de bataille. C’est à cette anecdote que Voltaire fait allusion par les vers mis en cause :

    Héros du Nord, je savais bien
    Que vous avez vu les derrières
    Des guerriers du roi très chrétien
    À qui vous taillez des croupières.
    Mais que vos rimes familières
    Immortalisent les beaux…
    De ceux que vous avez vaincus,
    Ce sont des faveurs singulières.

    (2 mai 1759.)
  3. La Politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire, p. 6, 1. — M. Faguet incrimine une autre lettre de Voltaire, une lettre adressée à Catherine, dans laquelle, après avoir célébré ses succès contre les Turcs, il ajoute : « Je veux aussi, Madame,