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VOLTAIRE PHILOSOPHE

il la traite de « brave fille que des inquisiteurs et des docteurs firent brûler avec la plus lâche cruauté » (XLII, 682). Dans l’Essai sur les Mœurs, citant une de ses réponses aux juges, il dit que cette réponse est digne d’une mémoire éternelle, et que, chez les anciens, Jeanne se serait vu décerner des autels[1].

Second grief : les relations de Voltaire avec Frédéric. Ce qu’on lui reproche surtout à cet égard, ce sont deux de ses lettres : l’une, de juillet 1742, loue le roi d’avoir conclu avec Marie-Thérèse un traité en vertu duquel il abandonnait la France[2] ; l’autre, écrite après Rosbach, le félicite de la victoire qu’il avait remportée sur nous.

La première de ces deux lettres fut blâmée par les contemporains eux-mêmes. Mais, comme le fait observer un critique de notre temps, Ferdinand Brunetière, il n’y avait là « qu’une question de forme », et « l’opinion publique, à cette date, était complice de l’admiration, de l’enthousiasme de Voltaire pour le roi de Prusse[3] ». Le même critique

  1. XVI, 410.
  2. Le traité de Breslau.
  3. Au reste, si Voltaire a félicité Frédéric, c’est dans l’espérance qu’il allait rétablir la paix. Voici les passages essentiels de cette lettre : « J’ai appris que Votre Majesté avait fait un très bon traité, très bon pour vous sans doute… Mais si ce traité est bon pour nous autres Français, c’est ce dont l’on doute à Paris ; la moitié du monde crie que vous abandonnez nos gens à la discrétion du dieu des armes ; l’autre moitié crie aussi, et ne sait ce dont il s’agit ; quelques abbés de Saint-Pierre vous bénissent au milieu de la criaillerie. Je suis un de ces philosophes ; je crois que vous forcerez toutes les puissances à faire la paix… Vous n’êtes donc plus notre allié, Sire ? Mais vous serez celui du genre humain. Vous voudrez que chacun jouisse en paix de ses droits et de son héritage, et qu’il n’y ait point de trouble… Dites : je veux qu’on soit heureux, et on le sera » (LIV, 449, 450).