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POLITIQUE

désaccord sur la forme du gouvernement, leurs divisions empêchent toute politique suivie et ferme.

Voltaire du reste admet fort bien le principe d’hérédité monarchique, si vivement combattu par maints philosophes de son siècle. Il trouve « tout naturel » d’« aimer une maison qui règne depuis près de huit cents années » (Pensées sur le Gouvernement, XXXIX, 429). Il repousse même la théorie de la souveraineté populaire, et, répondant à certains publicistes qui déclaraient les rois mandataires du peuple[1], il proteste que le roi de France « tient sa couronne de soixante-cinq rois ses ancêtres (Lettre à l’abbé de Voisenon, 20 août 1774).

Voltaire n’est pas républicain, il est monarchiste, aucun doute là-dessus. Est-il partisan de la monarchie despotique ?

On l’a souvent prétendu. Un critique contemporain écrit que « le monarchisme absolu, c’est le fond même de Voltaire » ; à l’en croire, Voltaire « n’établit aucune différence entre la monarchie et le despotisme », il préconise une monarchie « ennemie de toute liberté, concentrant tous les pouvoirs, persécutrice, défiante, tracassière et tyrannique[2] ». Recherchons d’abord comment il se fait qu’on puisse lui prêter de telles opinions et nous montrerons ensuite qu’on les lui prête à tort.

« Il faut, dit Voltaire, pour qu’un État soit puissant, ou que le peuple ait une liberté fondée sur les lois ou

  1. À Condorcet en particulier, auteur de la Lettre d’un théologien à l’abbé Sabatier. Cf. par exemple Lettre à Condorcet, 20 août 1774, édition Moland, XLIX, 67.
  2. E. Faguet, dans la Politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire, p. 75, 76, 297.