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VOLTAIRE PHILOSOPHE

que l’autorité soit affermie sans contradiction » (Siècle de Louis XIV, XIX, 241). Dans une monarchie qui, comme celle de la France, n’est pas constitutionnelle, l’intérêt de l’État répugne à l’existence de toute faction et de tout corps avec lesquels le pouvoir royal pourrait être en conflit. Telle est l’idée de Voltaire, lorsque, dans les Pensées sur le Gouvernement, il compare Louis XIV avec Louis XI[1], et lorsque, dans la Voix du Sage et du Peuple, il rappelle que « les années heureuses de la monarchie ont été les dernières de Henri IV, celles de Louis XIV et de Louis XV quand ces rois ont gouverné par eux-mêmes (XXXIX, 342). Ennemi de tout corps, politique ou religieux, capable de diviser l’État, de faire échec au pouvoir royal, il admire comment, sous Louis XIV, « l’esprit de faction, de fureur et de rébellion qui possédait les citoyens depuis le temps de François II devint une émulation de servir le prince », et comment la force et la prospérité du royaume s’accrurent dès lors que l’État fut « un tout régulier dont chaque ligne aboutit au centre » (Siècle de Louis XIV, XX, 266). Nous verrons plus loin de quelle manière il concilie le pouvoir monarchique avec l’autorité des lois et la liberté des citoyens. Mais, s’il déclare vouloir dans l’État une seule puissance, tout entière aux mains du prince, ne nous étonnons pas pour le moment que cette déclaration maintes fois répétée ait pu le rendre suspect d’ériger en système l’absolutisme et le despotisme.

  1. « Louis XI, pendant son règne, fit passer par la main du bourreau environ 4 000 citoyens ; c’est qu’il n’était pas absolu et qu’il voulait l’être. Louis XIV, depuis l’aventure du duc de Lauzun, n’exerça aucune rigueur contre personne de sa cour ; c’est qu’il était absolu » (XXXIX, 430).