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POLITIQUE

Mais, dit-on, le Parlement de Paris était le seul corps qui fit contrepoids au despotisme monarchique. On représente même tous les Parlements de France comme formant je ne sais quelles diverses classes d’une assemblée unique qui aurait pu obtenir de la monarchie les libertés modernes ; et l’on va jusqu’à prétendre que la Révolution de 1789 a ses origines, non dans les revendications de la philosophie, mais dans les luttes politiques entre la royauté et les parlementaires. Ce qui est vrai, c’est que, si les parlementaires combattirent parfois le despotisme, ils ne se préoccupaient que de leurs propres avantages ; ils y sacrifièrent le plus souvent ceux de la nation, et toujours ils les y subordonnèrent.

On le vit dès le début du xviiie siècle lorsque le Parlement de Paris empêcha le Régent de convoquer

    ma juste haine contre des hommes qui m’ont persécuté tant qu’ils ont pu et qui me persécuteraient encore s’ils étaient les maîtres. Je ne dois pas assurément aimer ceux qui… versaient le sang de l’innocence, ceux qui portaient la barbarie dans le centre de la politesse, ceux qui, uniquement occupés de leur sotte vanité, laissaient agir leur cruauté sans scrupule, tantôt en immolant Calas sur la roue, tantôt en faisant expirer dans les supplices, après la torture, un jeune gentilhomme qui méritait six mois de Saint-Lazare, et qui aurait mieux valu qu’eux tous. Ils ont traîné dans un tombereau, avec un bâillon dans la bouche, un lieutenant-général justement haï, à la vérité, mais dont l’innocence m’est démontrée par les pièces mêmes du procès. Je pourrais produire vingt barbaries pareilles et les rendre exécrables à la postérité. J’aurais mieux aimé mourir dans le canton de Zug ou chez les Samoïèdes que de dépendre de tels compatriotes » (Lettre à Mme de Choiseul, 13 mai 1771). — Cf. Lettre à Mme du Deffand, 7 sept. 1774 : « Peut-être beaucoup d’honnêtes gens seraient-ils fâchés de revoir en place ceux qui ont assassiné », etc.; et encore Lettres au chevalier de Lisle, 1er et 10 juillet de la même année, Lettre à Condorcet, 18 juillet, etc.