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VOLTAIRE PHILOSOPHE

les États-Généraux On le vit mieux encore, peu avant 89, lorsque Turgot devint ministre : il fut alors le centre de la réaction. Jadis il avait protesté contre le despotisme royal dans l’intérêt de ses privilèges ; maintenant il faisait cause commune avec les pires ennemis des libertés publiques.

En 1776, il condamne au feu une brochure de Boncerf, premier commis des finances, sur les Inconvénients des Droits féodaux « comme injurieuse aux lois et coutumes de France,… comme tendant à ébranler toute la constitution de la monarchie[1] ». En même temps, quarante-deux conseillers sont députés auprès du roi pour le supplier de retirer les édits qui supprimaient les corvées et les jurandes ; et c’est à cette occasion que Louis XVI dit le mot bien connu : « Je vois qu’il n’y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple[2]. » Un peu plus tard, en 1779, l’édit qui abolissait dans les domaines royaux les droits de servitude et de mainmorte fut enregistré sans trop de résistance. Mais le Parlement ne souscrivit point au vœu exprimé dans le préambule, que les bienfaits s’en répandissent dans tout le royaume ; il réserva par une clause expresse le droit des seigneurs, et fit ainsi

  1. « La cour de Parlement… vient de faire brûler par son bourreau, au pied de son grand escalier, cet excellent ouvrage… Je suis pétrifié d’étonnement et de douleur » (Lettre à M. Christin, 5 mars 1776).
  2. Cf. Lettre à M. de Vaines, 1er mars 1776 : « Le principal objet de M. Turgot… est le soulagement du peuple. Il est bien clair que toutes ces maîtrises et toutes ces jurandes n’ont été inventées que pour tirer l’argent des pauvres ouvriers, pour enrichir des traitants et pour écraser la nation. » — Lettre à La Harpe, 1er mars 1776 : « Vous vivez dans un singulier temps… La raison d’un côté, le fanatisme absurde de l’autre…, un contrôleur général qui a pitié du peuple, et un Parlement qui veut l’écraser. »