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Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/281

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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Mœurs, après avoir montré comment les nobles se sont multipliés en France, il blâme « la distinction avilissante entre l’anobli inutile qui ne paie rien à l’État et le roturier utile qui paie la taille » (XVII, 17). Il nous donne en exemple beaucoup de pays libres où « les droits du sang » ne confèrent aucun avantage, où l’on ne connaît que ceux de citoyen. Et si pourtant il loue « une vraie noblesse » comme celle d’Angleterre, une noblesse à laquelle sont attachées des fonctions, il n’en combat pas moins ceux qui prétendent, avec Boulainvilliers, que « les seigneurs des châteaux » soient investis du pouvoir ; car, dit-il, les Francs ou les Wisigoths, ancêtres de ces seigneurs, n’avaient aucun droit sur les biens dont ils s’emparèrent[1].

On veut que Voltaire soit un « aristocrate ». Et rien de plus vrai sans doute, si l’on entend par là qu’il a des goûts aristocratiques ou qu’il mène la vie de grand seigneur. Mais ce qu’on entend, c’est qu’il « méprise le peuple », et surtout qu’il croit impossible ou dangereux de faire son éducation[2].

  1. Outre la page de l’Essai sur les Mœurs où se trouvent les citations précédentes, cf., dans le même ouvrage, XVI, 534.
  2. Quant aux airs de grand seigneur qu’on lui reproche d’affecter, cf. la Lettre à M. Marin, 26 déc. 1775, édition Moland, XLIX, 464 : « Dites-lui bien, je vous prie [à Linguet], que je pense comme lui sur mon marquisat. Le marquis Crébillon, le marquis Marmontel, le marquis Voltaire ne seraient bons qu’à être montrés à la foire avec les singes de Nicolet. C’est apparemment un ridicule que MM. les Parisiens ont voulu me donner, et que je ne reçois pas », etc.
    On lui reproche d’avoir signé parfois des lettres Voltaire, comte de Tournay. Collini, dans ses Mémoires, dit à ce propos : « Ses ennemis ne virent pas que c’était une plaisanterie, et accusèrent ce grand homme d’une vanité ridicule. Il avait pris ce titre de comte [après l’acquisition de la terre de Tournay]