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POLITIQUE

Nous trouvons en effet dans l’œuvre de Voltaire maints passages où il exprime son dédain et son aversion pour la canaille. Par exemple, il écrit à d’Argental : « C’est à mon gré le plus grand service qu’on puisse rendre au genre humain, de séparer le sot peuple des honnêtes gens… On ne saurait souffrir l’absurde insolence de ceux qui disent : Je veux que vous pensiez comme votre tailleur et votre blanchisseuse » (27 avr. 1765). Mais ce que Voltaire méprise à vrai dire, ce n’est pas le peuple, c’est le fanatisme et la superstition populaires. Après avoir, dans l’Essai sur les Mœurs, raconté la fin misérable de l’empereur Henri V : « Arrêtez-vous un moment, dit-il, près du cadavre exhumé… Cherchez d’où viennent tant d’humiliations et d’infortunes d’un côté, tant d’audace de l’autre… : vous en verrez l’unique origine dans la populace ; c’est elle qui donne le mouvement à la superstition. C’est pour les forgerons et les bûcherons de l’Allemagne que l’Empereur avait paru pieds nus devant l’évêque de Rome ; c’est le commun peuple, esclave de la superstition, qui veut que ses maîtres en soient les esclaves » (XVI, 91). Au xviiie siècle même, on sait quel rôle joua la populace dans l’affaire Calas, dans l’affaire La Barre, dans l’affaire Montbailli[1]. L’aversion de Voltaire n’est pas

    comme il prit ensuite celui de Voltaire, capucin indigne, lorsque les capucins du pays de Gex l’eurent nommé leur père temporel. »

  1. Pour l’affaire Calas et l’affaire La Barre, cf. p. 292, n. 1. Pour l’affaire Montbailli, cf. la Méprise d’Arras : « Cependant quelques personnes du peuple, qui n’avaient rien vu de tout ce qu’on vient de raconter, commencent à former des soupçons… On imagina que Montbailli et sa femme avaient pu assassiner leur mère… Cette supposition, tout improbable qu’elle était, trouva