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Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/302

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POLITIQUE

de quelque aisance ? On devrait leur rendre accessible la propriété du sol, et cela dans l’intérêt public aussi bien que dans le leur, parce que l’agriculture rendrait bien davantage. Certes tous les paysans ne peuvent être riches ; et d’ailleurs l’État a besoin d’un grand nombre d’hommes qui ne possèdent que leurs bras et leur bonne volonté. Mais est-il impossible d’associer ces hommes eux-mêmes au bonheur des autres ? Libres de vendre leur travail et soutenus par l’espérance d’un juste salaire, ils élèveraient gaîment leurs familles dans leur métier laborieux et utile[1]. Aujourd’hui, tandis qu’on estime l’homme oisif qui vit de leur travail, qui est riche de leur misère, on les abandonne à l’avilissement et à l’indigence[2]. Pourtant « ils exercent la première des professions » (Lettres philos., XXXVII, 154), ils sont, « la portion la plus utile du genre humain » (Requête à tous les Magistrats, XLVI, 425). Comment ne se préoccuperait-on pas d’augmenter leur bien-être, de relever et de rehausser leur état ?

Nous avons déjà dit ce que fit Voltaire pour les serfs de la glèbe[3] ; disons ce qu’il fit contre les droits féodaux.

  1. Dict. phil., Propriété, XXXII, 21.
  2. Id., les Pourquoi, XXXI, 498.
  3. Cf. p. 129. — Faut-il le défendre d’avoir soutenu l’esclavage ? On s’appuie, pour l’en accuser, sur un entretien de l’, , . Dans cet entretien, prétend que, si nous n’avons pas le droit naturel d’aller garrotter un citoyen d’Angola pour le mener travailler dans nos sucreries à coups de nerfs de bœuf, nous avons du moins un droit de convention lorsque le nègre veut se vendre. « Je l’ai acheté, il m’appartient ; quel tort lui fais-je ?… Traitons-nous mieux nos soldats ? » suppose encore que, dans une bataille, un soldat près d’être tué dit à son adversaire : Ne me tue pas ; je te servirai. Son adversaire accepte, lui fait ce plaisir. « Quel mal y a-t-il à cela ? » (XLV, 67 sqq.). — Remar-