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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/137

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taines affections, qui sont aussi aveugles que l’engouement. Il aimait à connaître les hommes, lorsqu’ils en valaient la peine ; et Chamfort est un de ceux qu’il prit soin d’étudier. Tout compte fait, si l’on atténue certains termes un peu trop enthousiastes de cette correspondance, c’est par elle encore qu’on pourrait se faire l’idée la plus exacte de ce qu’était Chamfort vers ce temps. Au Cabinet des Estampes, on n’a de lui qu’un portrait d’une authenticité douteuse[1]. Mais voici quelques lignes de Mirabeau qui permettent d’entrevoir ce que pouvait être la physionomie de ce personnage à la constitution débile et au tempérament igné :

« Vous êtes un des êtres les plus vivaces qui existent. Or la ténuité de votre charpente, la délicatesse de vos traits et la douceur résignée et même un peu triste de votre physionomie, laquelle est calme, dès que votre tête et votre âme ne sont point en mouvement, alarmeront et induiront toujours en erreur vos amis sur votre force. Pour moi, vous m’avez prouvé, non pas tout à fait qu’on ne meurt que de bêtise, mais que les forces vitales sont toujours proportionnées à la trempe de l’âme. Ainsi, l’axiome proverbial la lame use le fourreau n’est pas vrai pour l’espèce humaine. Comment son feu intérieur ne le consume-t-il pas, se dit-on ? Eh ! comment le consume-

  1. En l’absence de documents iconographiques très sûrs, nous donnerons au moins le signalement de Chamfort : Taille de cinq pieds quatre pouces ; cheveux et sourcils châtains ; front découvert ; nez court ; yeux bleux (sic) ; bouche moyenne ; menton ordinaire ; visage allongé. Ce signalement fut délivré à Chamfort qui avait demandé une carte civique, le 18 avril 1793 (Archives nationales). — Citons aussi le portrait à la plume que Châteaubriand a tracé de Chamfort dans son Essai sur les Révolutions : « Chamfort était d’une taille au-dessus de la médiocre, un peu courbé, d’une figure pâle, d’un teint maladif. Son œil bleu, souvent froid et couvert dans le repos, lançait l’éclair quand il venait à s’animer. Des narines un peu ouvertes donnaient à sa physionomie l’expression de la sensibilité et de l’énergie. » (Cité par Sainte-beuve dans Châteaubriand et son groupe littéraire I, 120).