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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/165

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droit divin. Mais, si l’on y veut prendre garde, l’on s’aperçoit que la croyance au droit divin n’eut jamais de racines profondes dans notre ancienne France, et que, parmi les fidèles mêmes du pouvoir royal, beaucoup ne virent là qu’une fiction. En réalité, la royauté n’a pas d’autre assise que le respect invétéré dans la nation pour l’hérédité ; ce qui n’était qu’un fait avait pris, à travers le temps, la valeur d’un principe. Or, ce principe n’est-ce pas celui sur lequel repose la prérogative aristocratique ? D’où il suit que la prérogative royale ne se distingue d’elle que par son étendue et non par sa nature. Le roi a plus de terres, de revenus et de pouvoir qu’aucun des grands seigneurs ; mais il n’est, en somme, que le premier gentilhomme de France. Nos derniers rois le sentirent bien ; les hommes d’opposition le comprirent aussi, et c’est pourquoi Chamfort mit tant de vivacité dans les attaques qu’il dirige contre ce qu’il appelle le préjugé de la noblesse héréditaire.

Il n’admet pas que, dans l’histoire de notre patriciat, rien explique et justifie ce préjugé ; à son gré, nobles et anoblis furent toujours le fléau du peuple :

« Je ne fais pas plus de cas, je l’avoue, des trente mille oppresseurs bardés de fer, qui, la lance à la main, ont foulé sous les pieds de leurs chevaux de bataille dix ou douze millions de Gaulois, que je n’estime les milliers de vampires calculateurs qui ont sucé par le tuyau d’une plume le sang appauvri de vingt millions de Français. Je vois seulement que les premiers, pour se perpétuer et se maintenir dans la possession de leurs avantages, se sont recrutés chez les seconds. J’observe que la férocité et l’or-