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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/25

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était secrétaire en même temps, valet de chambre littéraire, comme il disait. Le sort le traitait bien à ses débuts. Van Eyck, en effet, n’est point un mince personnage ; outre qu’il possédait une grande fortune, il avait pour frères le prince évêque de Liège et l’électeur de Cologne, Clément-Auguste. Chamfort était donc entré dans une bonne maison ; avec de l’intrigue, ou même un peu de souplesse, il eût pu se pousser dès l’abord ; mais il ne calcula pas tant. Très vite il se brouilla avec son patron ; ayant eu à se plaindre de l’avarice de Van Eyck, il ne la supporta pas. Dès le mois de juin 1761, il a quitté son préceptorat, et, de Cologne, il adresse à un de ses amis une épître en vers où il lui fait part de ses mécomptes. Au reste, il ne semble pas regretter d’avoir manqué sa fortune :


C’en est donc fait, la trompeuse Fortune
À sur mes jours abdiqué tout pouvoir.
Je la bénis ; sa faveur importune
En aucun temps n’a fixé mon espoir.

Il se déclare au contraire fort heureux d’échapper au commerce des grands,


Fiers d’être sots, dillustres misérables,
Fiers d’être sots, de leur faste éblouis,
Toujours punis de n’avoir rien à faire[1].


Désormais il se consacrera à l’amitié et au travail. Il est fâcheux que ces sentiments excellents s’expriment dans un langage d’une rare faiblesse

  1. Ed. Auguis, V, 107.