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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/263

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religion, à l’opinion publique ? L’éducation n’ayant d’autre objet que de conformer la raison de l’enfance à la raison publique relativement à ces trois objets, quelle instruction donner tant que ces trois objets se combattent ? En formant la raison de l’enfance, que faites-vous que de la préparer à voir plus tôt l’absurdité des opinions et des mœurs consacrées par le sceau de l’autorité sacrée, publique ou législative, par conséquent à lui en inspirer le mépris[1]. »

Mais la Révolution, en inaugurant un nouvel ordre de choses, rendait possible une réforme organique de l’éducation nationale ; cette réforme devenait en même temps d’une instante nécessité. Pour que le peuple put profiter des avantages que lui offrait la nouvelle Constitution, il fallait qu’il fût en état de la connaître et de la comprendre : « L’Assemblée nationale de 1789 a donné au peuple français une Constitution plus forte que lui. Il faut qu’elle se hâte d’élever la nation à cette hauteur par une bonne éducation publique. Les législateurs doivent faire comme ces médecins habiles qui, traitant un malade épuisé, font passer les restaurants à l’aide des stomachiques »[2].

Pour que la souveraineté du peuple n’exposât pas à d’étranges périls le peuple lui-même et la société tout entière, il fallait que le peuple ne restât pas sans lumières : « S’il y a jamais eu une raison d’instruire et d’éclairer le peuple, c’est à coup sûr lorsqu’il est devenu le plus fort[3]. » Enfin, pour soutenir les institutions nouvelles et les faire durer, il fallait des mœurs nouvelles aussi. Chamfort

  1. Ed. Auguis, I, 338.
  2. Ed. Auguis, I, 447.
  3. Ed. Auguis, III, 148.