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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/48

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quand on lui proposa cette place lucrative : « Je sais, dit-il, qu’on vit avec de l’argent ; mais je sais aussi qu’il ne faut pas vivre pour de l’argent[1] ». Le monde, où il avait eu des triomphes d’amour-propre, l’attire et le retiendra longtemps encore ; il n’est point désabusé, tant s’en faut, des joies que donne la réputation littéraire ; et il se peut bien aussi qu’il se fasse illusion sur sa vocation poétique.

Le libraire Panckoucke lançait alors une grande entreprise de librairie ; il recrutait des collaborateurs pour la publication de son Grand Vocabulaire français, destiné à remplacer tous les dictionnaires en usage, toutes les encyclopédies connues. Le tome I de cette compilation, qui n’en compte pas moins de trente, parut en 1767. Panckoucke enrôla Chamfort, qui, d’après Sélis, serait l’auteur de plusieurs volumes de ce Grand Vocabulaire. Sélis veut dire sans doute qu’il composa la valeur de plusieurs volumes ; il est certain, en tout cas, qu’il fut chargé de rédiger les articles de dramaturgie ; car dans les in-octavo massifs du Grand Vocabulaire nous avons retrouvé des pages entières que Chamfort inséra plus tard, presque sans y retoucher, dans le Dictionnaire dramatique paru en 1776. Probablement aussi certains articles de critique littéraire, de grammaire peut-être, sont de sa main ; et, si ce travail n’a rien de brillant, il atteste au moins que Chamfort, quoi qu’on en ait pu dire, sut, quand il le fallait, être laborieux.

En ces années 1766 et 1767, tandis qu’il portait

  1. Éd. Auguis, II. 120.