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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/49

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courageusement le poids de cette lourde besogne, il s’essaya encore à des compositions poétiques. Un Discours philosophique en vers sur l’Homme de Lettres (1766) ne fut point couronné par l’Académie ; c’est La Harpe qui emporta le prix. Des odes sur la Grandeur de l’Homme (1767), sur les Volcans, sur la Vérité (1768), passèrent à peu près inaperçues ; et c’est en vérité ce qui pouvait leur arriver de mieux. La Harpe n’a été ni injuste ni trop dur pour ces vers, lorsqu’il dit à ce sujet : « Elles (ces odes) sont écrites avec assez de correction et de pureté, comme le sont d’ordinaire les productions de cet écrivain ; mais elles sont aussi frappées de froideur et de langueur, comme tout ce qu’il a composé en poésie noble »[1]. Chamfort, heureusement, ne récidiva plus : il était assez avisé pour comprendre qu’il se trompait de voie. À dater de ce moment, sauf sa tragédie de Mustapha, ses épigrammes et ses contes, simples jeux de société, il n’écrivit plus rien qu’en prose.

Toutes ces œuvres de début ne laissent point pressentir ce que Chamfort sera un jour, et ne permettent presque jamais de deviner ce qu’il était alors ; sa personnalité ne s’y marque point ; tout au plus s’y trahit-elle en quelques rares rencontres que nous avons signalées. Et pourtant il y aurait intérêt à savoir au juste quelle opinion l’on doit se faire de son caractère à ce moment de sa vie. « L’idée qu’il a imprimée de lui, dit Sainte-Beuve[2], est celle… d’une sorte de méchanceté en-

  1. Cours de littérature, tome IX, p. 423 sqq.
  2. Causeries du Lundi, IV. 539.