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Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/25

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xiv
fernand pelloutier

Dans l’Art et la Révolte, paru la même année, il nous montre la bourgeoisie disparaissant peu à peu comme une coulée de boue qui emporte pêle-mêle préjugés, croyances et morales. « Il y a aux pays du soleil des fruits malsains qui, mûris vite, se gâtent plus vite encore ; des végétations sans pareilles, dont la vie n’est qu’une hâte vers la mort et qui brillent d’un éclat d’autant plus vif qu’il sera plus éphémère. Ces végétations, ces fruits, c’est notre bourgeoisie. À peine née, elle fut riche et puissante. À l’âge où races et castes s’arment encore d’habitude contre les retours de la fortune et l’instabilité des pouvoirs, elle était déjà en pleine possession de sa force. Cinquante années elle a joui, et la voici mourante. Quelle plus terrible leçon ! On chercherait vainement ailleurs qu’en elle-même la raison de son agonie. Il y a cent ans, les peuples avaient encore, pour les gouvernements, les religions, la famille, la patrie, le même respect qu’il y a trente siècles. Ils avaient renversé des dynasties, coupé des têtes couronnées, détruit des autels et violé des territoires, mais ils courbaient encore le front devant l’autorité. Le maître tué, ils criaient : « Vive le maître ! » Un dieu disparu, ils pliaient le genou devant d’autres dieux, et la patrie était pour eux le monstre indien de qui l’appétit sanguinaire est une faveur passionnément désirée. Cent ans, et tout cela s’en est allé. On subit encore des gouvernements ; l’autorité est honnie, et l’on crache sur la barbe des maîtres ; les religions vivent ; Dieu est mort, et l’athée