Aller au contenu

Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
préface

utiles pour le temps présent. » Il est certain que les formules que l’on a extraites des œuvres de Marx doivent être interprétées de cette manière : « Il nous offre, dit un savant commentateur italien[1], le contraste étrange d’affirmations qui prises rigoureusement sont inexactes et qui nous semblent (et elles le sont en effet) chargées et pleines de vérité. Marx était porté, en somme, vers une sorte de logique concrète. » On pourrait faire la même observation sur tous les livres écrits par des hommes d’action.

Ce qu’il y aurait de plus essentiel à connaître pour formuler des règles de prudence fondées sur l’expérience serait le degré de nécessité des divers changements qui s’entrecroisent dans la société : il est clair, en effet, qu’il y a des nécessités pratiques contre lesquelles il serait fort inutile d’essayer la lutte ; par exemple, il serait insensé de vouloir empêcher le progrès machinal ; il y a d’autres nécessités moins impérieuses contre lesquelles on peut se mettre en garde, à la condition de s’enfermer dans un cercle d’activité convenablement restreint ; par exemple, les socialistes peuvent rejeter beaucoup de traditions patriotiques provenant des grandes guerres révolutionnaires, traditions encore très fortes dans les partis radicaux très avancés ; mais, pour garder leur complète indépendance, il leur faut vivre à l’écart des organisations officielles.

Dès que l’on aborde l’étude des institutions socialistes modernes, il faut se demander pourquoi tant de tentatives de refonte sociale ont échoué, pourquoi tant de brillantes espérances ont été déçues, pourquoi les hommes jugés les plus fermes ont parfois semblé désespérer de la cause qu’ils avalent embrassée : les accusations de trahison n’ex-

  1. B. Croce, Matérialisme historique et économie marxiste, p. 130 Giard et Brière, éditeurs).