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Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/43

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préface

temps opposaient la routine au progrès scientifique : il semblait que des associations ouvrières, qui renfermeraient l’élite de chaque métier, seraient capable d’assurer une marche économique, sage et progressive à la production ; — la seule question était de leur procurer du capital.

Le second Empire a souvent prétendu qu’il a réalisé tout ce que renfermaient de réalisable les projets des réformateurs sociaux. Est-ce que beaucoup des plus ardents réformateurs n’étaient pas devenus ses auxiliaires ? Il est certain que l’Empire tira parti de l’élucidation des idées qui s’était faite avant lui ; il tira notamment parti des doctrines enseignées sur le bon marché du crédit et des transports. Son œuvre économique n’est pas, du tout, négligeable : la construction d’un vaste réseau de chemins de fer, les subventions données à la grande navigation, la multiplication des voies vicinales ; — la création du Crédit foncier ; — les encouragements donnés aux crédits mobiliers qui, par leur concurrence, mâtèrent l’orgueil de l’ancienne Haute-Banque et donnèrent tant de facilités aux créateurs d’affaires. La troisième République n’a fait que continuer l’œuvre du second Empire.

On vit ainsi pratiquement qu’il faut dans la science sociale séparer la production et tout ce qui se rapporte à l’échange[1] ; jadis, on voulait briser l’ordre capitaliste et on n’avait rien produit ; maintenant, on se bornait à réformer la circulation, la rendre plus économique pour les entrepreneurs, et on obtenait des résultats inattendus ; — au lieu de changer l’organisme vivant, on se bornait à améliorer l’appareil mécanique dont il se sert ; — on passait de la transformation par le changement du principe fondamental au perfectionnement empirique de ce qui est étranger au principe de la société.

  1. Cf. ce que j’ai écrit sur la socialisation de l’échange, dans un article intitulé Économie et agriculture (Revue socialiste, avril 1901).