Aller au contenu

Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
préface

Ce passage si remarquable n’a pas été jusqu’ici défini d’une manière bien exacte ; on y a vu, trop souvent, un passage de la révolution à l’évolution ou à l’adaptation, ou au progrès obtenu par légers changements. Gambetta a donné une formule célèbre : « Il n’y a pas de question sociale, il n’y a que des questions sociales ; » — il entendait dire qu’il faut se borner à étudier les problèmes dont la solution ne trouble pas le mode de production capitaliste. La politique du second Empire fut, presque tout entière, dirigée dans cet esprit ; jamais l’industrie ne fut aussi prospère qu’après l’accomplissement des réformes que les contemporains de Louis-Philippe avaient considérées comme révolutionnaires : on est souvent parti de cette constatation pour affirmer qu’au fond il y a moyen d’établir la paix sociale et d’harmoniser les intérêts[1].

On pourrait trouver dans l’histoire d’autres passages plus ou moins analogues au précédent : on part de l’idée d’une transsubstantiation de la société et, quand on veut sortir de la théorie pour arriver à la pratique, on se trouve avoir travaillé à consolider le régime existant au lieu de le détruire.

Le deuxième passage que je vais examiner est emprunté à l’histoire du socialisme français de 1880 à 1899 ; ici nous trouverons un passage plus complexe et peut-être moins frappant que le précédent, parce que la grande concentration autoritaire provenant des guerres de la Révolution n’intervient plus avec autant de force pour maintenir l’illusion d’une unité indissoluble et nécessaire entre les parties.

  1. Dans le cas examiné, il a été démontré seulement par l’expérience que le mode d’échange est, dans une certaine mesure, indépendant du mode de production et qu’il a besoin d’être réformé, de temps à autre, pour assurer la prospérité de l’industrie capitaliste.