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Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/49

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préface

dont il a été question ici, puissent continuer indéfiniment ; les hommes du premier type s’écrient souvent avec emphase « L’avenir est à nous, car nous suivons scientifiquement l’évolution naturelle des idées qui s’opère sous l’influence des faits ; » mais, de temps à autre, des accidents historiques viennent se mettre en travers de cette prétendue évolutions l’esprit révolutionnaire reprend ses droits et de nouvelles transformations recommencent.

On ne saurait trop répéter que le milieu du xixe siècle marque dans l’histoire sociale une des dates les plus remarquables qui existent ; nous avons grand’peine, aujourd’hui, à comprendre les doctrines des utopistes ; il nous semble surtout étrange que l’on ait cru les anciens capitalistes incapables de conduire une production qui semble aujourd’hui bien modeste. J’ai appelé, plusieurs fois, l’attention sur ce fait que l’esprit du xviiie siècle a continué à gouverner le monde jusqu’en 1848 ; nous ne voyons plus du tout les choses avec la sentimentalité ancienne.

À cette époque l’ancienne conception de l’unité sociale a subi une véritable dislocation : d’un côté on a laissé les capitalistes conduire leurs affaires librement ; mais l’État a fortement agi pour perfectionner la circulation et les ouvriers se sont, presque uniquement, renfermés dans la défense de leurs intérêts immédiats. Tandis qu’autrefois le renversement complet de l’ordre bourgeois était considéré comme la base nécessaire de tout progrès, sa conservation est devenue le postulat des nouvelles institutions, sans que leurs initiateurs s’en soient toujours bien rendu compte [1].

  1. C’est à cette époque que les ouvriers anglais constituent le trade-unionisme moderne et abandonnent les grandes organisations révolutionnaires.