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V


Peu après le retour de London du Japon éclata la révolution de 1905.

Si Hearst avait choisi comme son correspondant au Japon l’écrivain le plus en vue alors aux États-Unis, il choisit pour la Russie un critique théâtral de la rédaction de son journal de New-York : l’American. C’était un vieux journaliste qui avait passé sa vie à critiquer auteurs et acteurs, parfois non sans verve. La politique, cependant, ne l’avait jamais intéressé. Il fut mobilisé à la hâte par Hearst et expédié dans la capitale russe avec une seule recommandation : envoyer au journal le plus de copie possible sur la révolution. Notre scribe arriva à Pétersbourg au moment où l’absolutisme tremblait sur ses fondements. C’était un spectacle bien différent de celui qui se déroulait sur la rampe des théâtres. Au lieu de voir la révolution sous son angle politique et social, notre correspondant se spécialisa surtout dans les anecdotes. Elles étaient pour lui comme les arbres qui l’empêchaient de voir la forêt. Cependant, bon gré, mal gré, il fut bien forcé de parler des principaux acteurs de la révolution et des bolcheviks. C’est ainsi que le nom de Lénine apparut pour la première fois dans les journaux des États-Unis.

Le public américain prenait le plus grand intérêt aux événements de Russie. La fameuse « opinion publique » était tout entière contre la Russie des Romanoff, et la presse alimentait ce sentiment général. La bourgeoisie américaine subventionnait le Japon pour des raisons plausibles d’intérêts impérialistes. Les tentacules de la pieuvre russe sur l’Extrême-Orient étaient alors plus étendues que celles du naissant impérialisme japonais… La « démocratie » américaine était contre « l’autocratie » ; le prolétariat, enfin, partageait la haine universelle des masses travailleuses contre Nicolas II le Pendeur.

Jack London qui dévorait les journaux, suivait avec passion le développement des événements révolutionnaires dans la presse quotidienne et dans les périodiques.

La révolution russe devint désormais le thème des discussions d’après dîner. Les idées qu’on avait alors sur la Russie en dehors du fait que le tsarisme était la personnifi-