Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/60

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Le vrai poète pour moi est un prêtre. Dès qu’il passe la soutane il doit quitter sa famille.

Personne n’est original au sens strict du mot, le talent comme la vie se transmet par infusion et il faut vivre dans un milieu noble, prendre l’esprit de société des maîtres ; il n’y a pas de mal à étudier à fond un génie complètement différent de celui qu’on a, parce qu’on ne peut le copier.

Il ne faut jamais craindre d’être exagéré, tous les très grands l’ont été, Michel-Ange, Rabelais, Shakespeare, Molière ; il s’agit de faire prendre un lavement à un homme (dans Pourceaugnac) ; on n’apporte pas une seringue, non, on emplit le théâtre de seringues et d’apothicaires, cela est tout bonnement le génie dans son vrai centre, qui est l’énorme. Mais pour que l’exagération ne paraisse pas, il faut qu’elle soit partout continue, proportionnée, harmonique à elle-même ; si vos bonshommes ont cent pieds il faut que les mon-