Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/65

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montent dans leurs nuages, elles grandissent, elles s’illuminent et comme le Christ aux apôtres, nous crient de ne pas chercher à les atteindre.

La médiocrité chérit la règle, moi je la hais ; je me sens contre elle et contre toute restriction, corporation, caste, hiérarchie, niveau, troupeau, une exécration qui m’emplit l’âme, et c’est par ce côté-là peut-être que je comprends le martyre.

N’est-il pas de la vie d’artiste, ou plutôt d’une œuvre d’art à accomplir, comme d’une grande montagne à escalader ? Dur voyage et qui demande une volonté acharnée ! D’abord on aperçoit d’en bas une haute cime ; dans les cieux, elle est étincelante de pureté ; elle est effrayante de hauteur ! et elle vous sollicite cependant à cause de cela même. On part, mais à chaque plateau de la route le sommet grandit, l’horizon se recule, on va par les précipices, les vertiges et les découragements, il fait froid ! et l’éternel ouragan des hautes régions vous enlève