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Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/87

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Imaginez un homme qui, avec des balances de mille coudées, voudrait peser le sable de la mer. Quand il aurait empli ses deux plateaux, ils déborderaient et son travail ne serait pas plus avancé qu’au commencement. Toutes les philosophies en sont là. Elles ont beau dire : « Il y a un poids cependant, il y a un certain chiffre qu’il faut savoir, essayons » ; on élargit les balances, la corde casse et toujours, ainsi toujours !

Le but ! la cause ! mais nous serions Dieu, si nous tenions la cause, et à mesure que nous irons, elle se reculera indéfiniment, parce que notre horizon s’élargira. Plus les télescopes seront parfaits, et plus les étoiles seront nombreuses. Nous sommes condamnés à rouler dans les ténèbres et dans les larmes.

Tout dépend de la valeur que nous donnons aux choses. C’est nous qui faisons la moralité et la vertu. Le cannibale qui mange son semblable est aussi innocent que l’enfant qui suce son sucre d’orge.