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M. PASCAL.

ge renverſement dans la nature de l’homme pour vivre dans cet eſtat, & encore plus pour en faire vanité. Car quand ils auroient une certitude entiere qu’ils n’auroient rien à craindre aprés la mort que de tomber dans le neant, ne ſeroit-ce pas un ſujet de deſeſpoir plutoſt que de vanité ? N’eſt-ce donc pas une folie inconcevable, n’en eſtant pas aſſurez, de faire gloire d’eſtre dans ce doute ?

Et neanmoins il eſt certain que l’homme eſt ſi dénaturé qu’il y a dans ſon cœur une ſemence de joye en cela. Ce repos brutal entre la crainte de l’enfer, & du neant ſemble ſi beau, que non ſeulement ceux qui ſont veritablement dans ce doute malheureux s’en glorifient ; mais que ceux meſme qui n’y ſont pas croyent qu’il leur eſt glorieux de feindre d’y eſtre. Car l’experience nous fait voir que la plus part de ceux qui s’en meſlent ſont de ce dernier genre ; que ce ſont des gens qui ſe contrefont, & qui ne ſont pas tels qu’ils veulent paroiſtre. Ce ſont des perſonnes qui ont ouy di-