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PENSÉES DE

re que les belles manieres du monde conſiſtent à faire ainſi l’emporté. C’eſt ce qu’ils appellent avoir ſecoüé le joug ; & la plus part ne le font que pour imiter les autres.

Mais s’ils ont encore tant ſoit peu de ſens commun, il n’eſt pas difficile de leur faire entendre combien ils s’abuſent en cherchant par là de l’eſtime. Ce n’eſt pas le moyen d’en aquerir, je dis meſme parmy les perſonnes du monde qui jugent ſainement des choſes, & qui ſçavent que la ſeule voye d’y reüſſir c’eſt de paroiſtre honneſte, fidelle, judicieux, & capable de ſervir utilement ſes amis ; parce que les hommes n’aiment naturellement que ce qui leur peut eſtre utile. Or quel avantage y a-t’il pour nous à ouïr dire à un homme qu’il a ſecoüé le joug, qu’il ne croit pas qu’il y ait un Dieu qui veille ſur ſes actions, qu’il ſe conſidere comme ſeul maiſtre de ſa conduite, qu’il ne penſe à en rendre compte qu’à ſoy meſme ? Penſe-t’il nous avoir porté par là à avoir deſormais bien de la confiance en luy, et a