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LIVRE IV, § XXIV.

XXIV

« Si tu veux conserver la paix de ton âme, dit un philosophe[1], n’agis que le moins possible. » Mais ne serait-ce pas encore mieux de ne s’occuper que de ce qui est absolument nécessaire, et uniquement de ce qu’exige la raison d’un être essentiellement sociable[2], dans les conditions où la raison l’exige ? De cette façon on ne jouit pas seulement de la satisfaction d’avoir fait bien ; mais on jouit en outre de l’avantage de n’avoir agi que fort peu. C’est qu’en effet la plupart du temps ce que nous disons, ce que nous faisons n’a rien de bien nécessaire ; retrancher tout cela, ce serait s’assurer plus de loisir et aussi plus de tranquillité. Par conséquent, il faut, pour chaque chose, se souvenir de se poser cette question[3] :

  1. Un philosophe. Il paraît bien que ce philosophe est Démocrite, si l’on s’en rapporte à différents passages de Stobée ; serm. I, 40 ; serm. III, 34 et 35 ; serm. V, 24. Mais il est probable que bien d’autres, après Démocrite, avaient exprimé la même pensée, qui est juste, mais n’a rien de bien profond. Marc-Aurèle y donne seulement plus de précision et de portée.
  2. Essentiellement sociable. Et qui veut remplir tous les devoirs que la société lui impose envers les autres et envers lui-même.
  3. Il faut se souvenir de se poser cette question. On ne doit pas entendre cette maxime dans un sens trop étroit ; et il est clair que l’on ne pourrait pas, à chacune de ses actions, se poser cette