Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.
nu. — « Je n’ai pas de pain, dit-il, et je n’en reste pas moins fidèle à la raison. » — Et moi, je dis : Je n’ai pas même besoin de l’aliment de la science[1] pour y demeurer également fidèle.
XXXI
Plais-toi au pauvre métier que tu as appris[2], et sache t’en contenter et t’y tenir ; et, pour tout le reste dans la vie, supporte-le comme un homme qui, du fond de l’âme, a remis aux Dieux le soin de tout ce qui le regarde, et ne veut se faire le maître ni l’esclave de qui que ce soit.
- ↑ L’aliment de la science. La métaphore est de Marc-Aurèle lui-même, qui a peut-être ici un peu d’orgueil.
- ↑ Au pauvre métier que tu as appris. Conseil bien sage, mais qui ne peut être entendu que des âmes les plus vigoureuses et les plus indépendantes. Quand on a compris en quoi consiste la grandeur morale de l’homme et quel est son devoir ici-bas, on s’inquiète beaucoup moins des choses du dehors, précisément parce qu’on est tout occupé des choses du dedans. Socrate était sculpteur de son métier ; et, comme il n’avait pas un talent fort distingué, il est à croire que sa profession lui donnait tout juste ce qu’il fallait pour vivre. Il ne s’est jamais plaint de sa pauvreté, qu’il ressentait à peine. Épictète, au temps de Marc-Aurèle, en a été là également, pauvre esclave d’un affranchi.
est arrivé à un certain âge. Voir plus haut, liv. II, §§ 2 et 3