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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XXXVI

L’Asie et l’Europe sont perdues dans un des coins du monde[1] ; la mer entière n’est dans le monde qu’une goutte d’eau ; le mont Athos n’y est qu’une motte de terre. Toute cette partie du temps que nous pouvons mesurer n’est qu’un instant de l’éternité. Tout est mesquin, changeant, périssable. Mais toutes choses viennent de ce principe commun qui conduit l’univers[2], et duquel tout sort, soit directement, soit comme conséquence. L’effroyable gueule du lion, les poisons qui nous tuent, en un mot tout ce qui est mauvais pour nous, ici une épine, là de la boue, ne sont que les suites et les dérivés des choses les plus nobles et les plus belles. Ne t’imagine donc

    ver à pratiquer cette loi ; la philosophie et la raison nous l’enseignent. Mais qu’il y a toujours peu de cœurs ouverts et dociles à leurs leçons !

    Qui lui est commune avec les Dieux. C’est la vraie grandeur de l’homme que Dieu s’en soit fait en quelque sorte un associé pour l’accomplissement du bien. Voir plus haut, liv. III, § 4.

  1. Perdues dans un des coins du monde. Marc-Aurèle ne pouvait pas encore savoir de son temps combien il avait raison. Aujourd’hui nous le savons mieux, parce que nous connaissons mieux la terre et la place qu’elle tient dans l’ordre universel des choses. Mais nous n’avons point à tirer de cette considération plus complète d’autres conséquences que ne le fait Marc-Aurèle.
  2. De ce principe commun qui conduit l’univers. En