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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/240

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

parce qu’ils sont faits pour coopérer à un seul et même but. Cette pensée acquerra dans ton âme d’autant plus de poids, que tu te diras souvent à toi-même : « Je suis un membre de la famille des êtres raisonnables. » Si tu disais seulement : je suis « une partie » et non pas « un membre » proprement dit, c’est que tu n’aimerais pas encore les hommes du fond du cœur[1] ; c’est que faire le bien ne te causerait pas ce plaisir que donne un acte dont on a pleine conscience. Tu le fais simplement parce qu’il est convenable de le faire ; mais tu ne le fais point comme accomplissant par là le bien qui t’est propre[2].

XIV

Que du dehors advienne tout ce qu’il voudra, dans ces portions de mon être[3] qui peuvent ressentir ces sortes d’accidents ; ce qui en moi souffrira[4] pourra se plaindre, s’il le trouve bon. Mais

    rapport moral.

  1. Tu n’aimerais pas encore les hommes du fond du cœur. Plus haut, liv. VI, § 39, Marc-Aurèle nous a recommandé d’aimer les autres hommes « en toute sincérité ».
  2. Le bien qui t’est propre. L’égoïsme ainsi entendu n’est pas blâmable ; mais, au fond, c’est à peine de l’égoïsme.
  3. Ces portions de mon être. L’expression du texte est plus vague ; mais j’ai dû la préciser pour la mettre plus d’accord avec ce qui suit.
  4. Ce qui en moi souffrira. C’est le corps,