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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XLI

Une gêne pour la sensibilité est un mal pour la vie animale ; une gêne à la satisfaction d’un désir est un mal pour la vie animale également ; une gêne d’un autre genre peut être aussi un mal pour la vie végétative en nous[1]. De la même manière, ce qui gêne l’intelligence est donc un mal pour la nature intellectuelle. Eh bien, applique-toi à toi-même ces réflexions diverses. Est-ce que la douleur et le plaisir te touchent[2] ? C’est à la sensibilité de le savoir[3]. Ton désir rencontre-t-il un obstacle qui l’arrête ? Mais si tu as conçu ce désir sans y supposer les limitations nécessaires, le mal est alors imputable à ta raison. Que si ton sort est le sort commun de tout le monde, tu n’as pas le droit de dire que tu aies subi un tort, ou rencontré un obstacle. Personne

  1. Pour la vie végétative en nous. J’ai ajouté ces deux derniers mots pour bien marquer qu’il s’agit toujours ici de l’homme, et non pas de la vie végétative d’une manière générale, c’est-à-dire de la vie des plantes proprement dites. L’homme a aussi en lui une force de végétation qui affecte plusieurs parties de son être. Marc-Aurèle n’a pas évidemment voulu dire autre chose.
  2. Te touchent. Elles touchent le corps, mais non la personne.
  3. C’est à la sensibilité de le savoir. Parce que c’est elle seule qui est affectée par le plaisir et la douleur. Voir la fin du