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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.
XLVIII
Souviens-toi bien que le principe qui nous gouverne est absolument invincible[1], quand, replié sur lui-même[2], il se contente d’être ce qu’il est, pouvant ne pas faire ce qu’il ne veut point[3], en supposant même que sa résistance ne soit pas raisonnable. Que sera-ce donc quand il a la raison pour lui, et qu’il ne juge d’un objet qu’après l’avoir examiné attentivement[4] ? C’est là ce qui fait qu’une âme libre des passions[5] est une véritable forteresse[6], et l’homme n’a pas de rempart
- ↑ Le principe qui nous gouverne est absolument invincible. Voilà le fondement du Stoïcisme, et comme la pierre angulaire de toute la doctrine. Cette base est en effet inébranlable de sa nature ; mais il est peu d’entre nous qui puissent le comprendre et sentir la force qu’ils portent en eux. Cette force s’accroît par l’exercice, et c’est surtout l’exercice qui manque à la plupart des hommes.
- ↑ Replié sur lui-même. Voir plus haut, liv. VII, § 29.
- ↑ Ne pas faire ce qu’il ne veut point. Le libre arbitre est une force incoërcible, comme on dit dans le langage de la physique.
- ↑ Après avoir examiné attentivement. Voir plus haut, liv. III, § 12.
- ↑ Libre des passions. Voilà la grande difficulté ; et c’est là aussi ce qui fait que la vieillesse est plus sage, parce que les passions sont amorties, ou domptées, ce qui vaut mieux.
- ↑ Une véritable forteresse. Il y a quelques sages qui l’ont prouvé, Socrate entre autres, démontrant l’immortalité de l’âme après avoir bu le poison. — Bossuet commence ainsi son Sermon sur la Loi de Dieu : « Si nos actions sont mal composées, s’il nous arrive presque tous les jours, ou de nous tromper dans nos jugements, ou de nous égarer dans notre conduite, l’expé-