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LIVRE X, § XXXVI.

sain, doivent être tout prêts à entendre les sons et à sentir les odeurs. L’estomac qui est sain doit être aussi bien disposé pour tous les aliments qu’il reçoit, de même encore qu’une meule de moulin doit être prête à moudre tous les grains qu’on y apporte. Ainsi donc, l’âme, quand elle est vraiment saine, doit être préparée à tous les événements. Mais l’âme qui dit : « Que mes enfants vivent[1] ; » ou bien : « Que tout le monde me comble de louanges dans tout ce que je fais, » cette âme-là n’est qu’un œil qui cherche à voir du vert, ou des dents qui ne veulent que des aliments mous et faciles à broyer.

XXXVI

Il n’est personne qui soit assez heureux[2] pour n’avoir point auprès de soi, quand il meurt, des

    banale. Il y a vingt siècles, elle l’était moins.

  1. « Que mes enfants vivent ». Ce n’est pas que Marc-Aurèle entende blâmer la tendresse paternelle ; mais il ne veut pas qu’elle aille jusqu’à la révolte contre les décrets de la Providence. Voir plus haut, liv. IX, § 40.
  2. Il n’est personne qui soit assez heureux. Cette réflexion est sans doute toute personnelle, et Marc-Aurèle avait dû sentir plus d’une fois autour de lui l’embarras que sa vertu causait à tous ceux qui l’approchaient. Il n’y met point, d’ailleurs,